
L'autre Molitor
C’est vrai que c’est rigolo les toboggans, les piscines à bulles et les vagues artificielles. Pas grand chose à reprocher non plus aux pédiluves ou aux atmosphères surchauffées. Et on ne peut pas dire, enfin, que la nostalgie soit notre moteur. Mais franchement, en matière de style, l’ancienne piscine du Touquet, c’était quand même autre chose que l’Aqualud.
A son inauguration le 28 mars 1931, elle est considérée comme la plus belle piscine d’Europe. Rien que ça. Son architecte André Bérard travaille sur le projet depuis 1929. Il n’a pas fait dans la demi-mesure. Dimensions olympiques (d’avant 1939), soit 66,66 mètres de long sur 25 mètres de large. 2744 mètres cubes d’eau de mer filtrée, stérilisée et chauffée. Quatre plongeoirs à 1, 3, 5 et 10 mètres de hauteur. 5 mètres de profondeur au niveau de ces plongeoirs. Près de 400 cabines. La piscine est sur la plage. Le ciel pour plafond. Les gradins d’une capacité de 1800 places font face à la mer. Les deux cheminées de la chaufferie sont dans l’alignement de la rue Saint-Jean. Elles sont reliées par le grand plongeoir. Les voltigeurs s’élancent, la mer dans le dos, la ville et la forêt en ligne de mire. La classe. Dans les travées du bâtiment, on trouve des salles de repos et de massage, des coiffeurs, des librairies. Et un troquet, bien sûr. Le « bar du soleil ». Jusqu’à 5000 entrées dans les grands jours.
Durant la seconde guerre mondiale, la piscine est laissée à l’abandon. Les plongeoirs sont démolis par l’occupant, le bassin s’ensable. En 1947, il est décidé de remettre le complexe en état. Le chantier est confié à l’architecte Louis Quételart, emblématique de la ville. C’est lui qui est à l’origine du style touquettois moderne, caractérisé par les grandes toitures, les doubles pignons, les oculi. Il est l’architecte de plus de cent villas au Touquet, dont plusieurs sont classées à l’inventaire général du patrimoine architectural français. Sa trace est partout dans la ville. Il a réalisé le bâtiment de l’aérodrome, le cinéma, le phare de la Canche. Il est aussi le concepteur des bancs verts et blancs qui jalonnent encore aujourd’hui la digue et les avenues forestières.
La piscine rouvre en 1950. Elle devient le coeur névralgique de la vie estivale de la station balnéaire. Dans les années 80, pourtant, la décision de détruire la piscine est prise. Trop grande, trop coûteuse à entretenir, plus aux normes. A sa place trône aujourd’hui la pyramide de verre et les installations de l’Aqualud. Un parc d’attraction. Le plongeoir érigé par Louis Quételart, était devenu après la reconstruction le symbole du renouveau touquettois. Intégré aux installations extérieures du parc, il est la seule partie du bâtiment toujours debout aujourd’hui. La seule trace de cet héritage. O tempora, o mores.
OFFICE DU TOURISME DU TOUQUET-PARIS-PLAGE
COLLECTION SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DU TOUQUET-PARIS-PLAGE
TEXTE : ONCLE JOE