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Glass House

En verre et contre tous

« C’est la seule maison au monde où vous pouvez voir en même temps, sans changer de place, le soleil se coucher et la lune se lever. »

C’est ainsi que Philip Johnson présentait son œuvre. La maison de verre, conçue par lui-même, avec son collaborateur Richard Foster, pour lui-même, fut construite en 1949. L’architecte y vécut jusqu’à sa mort en 2005. 

Située à New Canaan, Connecticut, USA, elle est l’élément le plus emblématique d’un ensemble de plusieurs bâtiments répartis dans un parc paysagé. On peut notamment y trouver une galerie d’art souterraine, un studio en briques, une porte asymétrique rouge et noire baptisée Da Monsta, un pavillon en béton au bord d’un étang.

Philip Johnson est né en 1906. Avant de devenir architecte, sur les conseils de Frank Lloyd Wright himself, Il fut directeur du département Architecture du Museum of Modern Art de New York, de 1930 à 1936. Grand promoteur du Style international, il organisa sur le sujet une exposition qui fit date. Premier lauréat du prix Pritzker – considéré aujourd’hui comme le « Prix Nobel » d’architecture – en 1979, il devint une figure du mouvement moderne et du postmodernisme. Voilà pour le CV.

Dans l’immédiat après-guerre, Philip Johnson défend l’idée d’une maison de verre. Le pari est osé. L’idée relève pour beaucoup du fantasme et le projet est jugé infaisable. Qu’importe, l’architecte se lance. Le résultat ne peut laisser indifférent. Une structure en acier simple, tout en finesse. Des baies vitrées à la place des murs. Un cylindre en briques, seule liaison entre le sol et le toit. Transparence, minimalisme et géométrie. 

L’architecte ne cache pas ses modèles et influences, bien au contraire. « Du point de vue du style, la maison de verre est un mélange entre Mies van der Rohe, Malevich, le Parthénon, le jardin anglais, le mouvement romantique dans son ensemble, l’asymétrie du 19e siècle. On y retrouve toutes ces choses, mais aussi le moderne le plus abouti, dans le sens où nous traitons l’architecture moderne aujourd’hui, le simple cube », expliquait Philip Johnson de son vivant.

Dedans, dehors, on ne sait plus. La frontière visuelle s’efface. L’intérieur est sobre, dépouillé. Seule décoration, au-delà des meubles placés chacun à une place précise, une peinture du 17e siècle attribuée à Nicolas Poussin, choisie par Alfred H. Barr JR, premier directeur du MOMA et, lui faisant face, une sculpture d’Elie Nadelman. Pas de murs, seulement quelques placards. L’espace est tout de même divisé en « pièces » : entrée, cuisine, salle à manger, salon, chambre, foyer, salle de bain. Le chauffage est intégré au sol et au plafond.

L’extérieur est au moins aussi travaillé que l’intérieur. L’idée de vivre dans une cage en verre pouvant en rebuter plus d’un, il a également fallu trouver le terrain propice. La maison est protégée par un promontoire, la végétation étant chargée de procurer l’ombre. Philip Johnson déclarait d’ailleurs que la difficulté de son travail sur ce projet résidait plus dans l’aménagement de l’espace extérieur que dans le bâtiment lui-même. On raconte que l’architecte dirigea son équipe de paysagistes au mégaphone pour organiser le parc, et fondre son œuvre dans l’environnement. Minimaliste jusqu’à faire disparaître la construction. Ou la rendre présente par son absence.

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